Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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20 février 2019

Dans cet album, Zep est au scénario et storyboard et Dominique Bertail dessine et colorie (avec Gaétan Georges). Les deux avaient déjà collaboré pour le tome 1 de l'excellente série "Infinity 8, Romance et macchabées".

Bande dessinée de science-fiction, quasiment totalement déshumanisée hors Tristan et Kloé, dans des tons gris-bleus.
Il pleut beaucoup à Paris depuis un programme de désinfection. J'aime beaucoup le graphisme qui fait la part belle aux personnages, les arrière-plans révèlent parfois des traces du vieux Paris de 2019 et d'avant.

Le scénario n'est pas d'une originalité renversante pour qui a déjà lu ou vu de la SF ("La mouche" de David Cronenberg, par exemple, qu'est ce que j'ai flippé à ce film, vu je me souviens au premier rang d'un cinéma après un repas lourd et un poil arrosé, pas les conditions idéales pour ressortir serein de la salle), mais Zep le remet au goût du jour, y ajoute des thèmes vus dans d'autres livres ou films, mélange le tout pour une histoire très plaisante, qui se suit sans aucun temps mort, qui pose la question de l'humanité, la fraternité dans un monde de plus en plus virtuel. Mais aussi celle du progrès : jusqu'où peut-il et doit-il aller ? En serons-nous les bénéficiaires ou les serviteurs ? Aurons-nous encore une part de liberté ? Il touche aussi à la question de l'aliénation des masses par les avancées technologiques, techniques et du bon usage d'icelles pour éviter les écueils.

Une histoire complète. Un très bel album, de ceux que l'on conseille aisément et que l'on prête facilement à condition qu'il revienne pour le relire.

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20 février 2019

Avis aux amateurs d'originalité, de mélange des genres, de bordel finalement vachement bien organisé, de lecture pas reposante et fortement addictive, ce roman noir est pour vous.

Polar rural, montagnard qui se déroule dans les pentes et vallées du Vercors, les paysages sont magnifiques. Polar nature.

Polar artistique, il y est question d'art contemporain, de performance ; jusqu'où peut aller l'artiste pour créer ? doit-il gêner, être consensuel ? doit-il même choquer ?

Polar glauque, poisseux, noir profond. Ses héros ne sont pas très recommandables, ils font passer tout après leur art, leur vie, celle des autres. Il y a pas mal de sang – mais je rassure les plus sensibles, point dégoulinant, tout cela est supportable – de violence – supportable à lire elle aussi.

Polar atypique, original, qui mélange très adroitement des genres et des milieux rarement traités ensemble. Philippe Rouquier mène son roman dans un tempo assez rapide – même si la fin traîne un peu – et de main de maître. Il semble calé en art contemporain, en matière de création artistique, semble connaître les affres d'icelle ; il en parle admirablement bien, tant, que l'on est plongé dans ce monde de fous, de branques, de déjantés qui s'amusent avec nos nerfs. Le romancier brouille les pistes habilement dès qu'il change d'interlocuteur. Dès que l'adjudant Tainon interroge un suspect ou un témoin, l'enquête prend un autre tour et nous lecteurs, changeons de cap. En fait, nous doutons de tout et de tous, jamais sûrs ni de la culpabilité ni de l'innocence des uns et des autres.

Philippe Rouquier en est à son deuxième roman publié. Diable, on parierait en un auteur aguerri.

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20 février 2019

C'est l'une de mes premières rencontres avec Beckett. Il me semble avoir lu l'un de ses livres, il y a longtemps, et puis plus rien, une petit crainte de me confronter avec une œuvre dont j'ai entendu dire partout le plus grand bien ? Je (re)commence donc avec cette nouvelle ou ce court roman publié en 1970 chez Minuit et écrit en 1945. Tout m'y plaît : le style, l'absurde, le manque quasi total d'action, la lenteur, l'ambiance. C'est un genre qui peut déplaire voire rebuter surtout de nos jours où tout va vite, très vite, trop vite.

Je ne ferai pas de grandes phrases, je préfère citer Beckett dans l'une de celles que j'ai notées dans ce livre : "Je me rappelle seulement qu'il y était question de citronniers, ou d'orangers, je ne sais plus lesquels, et pour moi c'est un succès, d'avoir retenu qu'il y était question de citronniers, ou d'orangers, car des autres chansons que j'ai entendues dans ma vie, et j'en ai entendu, car il est matériellement impossible on dirait de vivre, même comme je vivais moi, sans entendre chanter à moins d'être sourd, je n'ai rien retenu du tout, pas un mot, pas une note, ou si peu de mots, si peu de notes, que, que quoi, que rien, cette phrase a assez duré." (p.34/35) Que voudriez-vous que j'ajoute après cela ? Rien, si ce n'est que je vais retourner vite à la bibliothèque fureter à la lettre B comme Beckett.

Journal de guerre d'une famille coréenne

Casterman

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20 janvier 2019

1937/1945, c'est la guerre sino-japonaise. Le Japon, qui occupe déjà la Corée, se sent des envies d'expansion. Les membres du gouvernement provisoire coréen, en lutte contre l'occupant sont alors réfugiés en Chine. C'est le cas des parents de Jessie qui naît en 1938, à Shanghai. L'histoire de Jessie est racontée par sa mère à sa petite-fille, la fille de Jessie donc. Cette histoire fut un livre, elle est désormais un roman graphique.

Tout d'abord, ce qui surprend dans ce roman graphique, c'est le noir et blanc et les quelques très rares touches ocre et vertes pour la très courte partie contemporaine. Ensuite, c'est le graphisme : les dessins sont assez naïfs, les visages pas toujours finis, sauf pour les personnages principaux. Les cases sont parfois réduites au minimum et d'autres fois pleines voire débordantes, notamment pour ce qui concerne les bombardements, les explosions. Park Kun-Woong utilise les pages à sa guise : des petites cases, des plus grandes horizontales ou verticales, des pages entières, des doubles pages... Les paysages chinois sont décrits et le dessin succinct les évoque plus qu'il ne les montre. C'est un style particulier qui peut frustrer les amateurs de couleurs et de belles planches léchées, de beaux paysages de montagnes, d'eaux et d'arbres. Mais ce style est là pour montrer la violence et la cruauté de l'exil, de la guerre, des bombardements incessants, les départs précipités, les nombreux déménagements de Jessie et ses parents alors qu'elle est encore bébé et durant toute sa tendre enfance.

J'aime beaucoup, parce que c'est très loin de mes lectures habituelles, j'ai lu quelques romans coréens mais pas de bande dessinée. Et aussi parce que j'ignorais à peu près tout de la Guerre sino-japonaise qui se conclura par la capitulation du Japon après Hiroshima et Nagasaki. Autant dire que j'ai beaucoup appris, et j'ai poussé mes recherches plus loin, me renseignant ici ou là sur ce conflit.

Un gros volume de 400 pages qui se lit avec beaucoup d'intérêt (même si parfois, des pages se répètent et peuvent rendre le récit un peu long), qui permet de découvrir une autre culture du dessin et une histoire terrible, finalement assez proche de ce qu'ont pu vivre les Français et d'autres pendant la guerre, sous les bombardements, avec la question de l'exil en plus. C'est aussi un livre qui parle d'humanité, d'entraide, de la famille, des traditions et de la transmission. Une très belle découverte.

Déluge de feu

Laurent Astier

Rue de Sèvres

15,00
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20 janvier 2019

Louisiane, 1885, la jeune Emily assiste parfois aux ébats de sa mère, prostituée. Sa mère qui la néglige et ne montre pas beaucoup son amour. Au contraire, elle la houspille sans cesse, surtout que la jeune Emily est curieuse.

1900, Colorado, Emily a grandi et débarque dans une petite ville pour épouser Ben Cartridge qui, malheureusement, est mort deux semaines auparavant, les voyages sont longs dans le Far West. Emily n'a d'autres ressources que se diriger vers le saloon local qui lui propose un travail d'hôtesse.

Tome 1 des aventures d'Emily qui en appelle d'autres donc, et c'est fort bien, car j'ai hâte de la retrouver. D'abord, cette BD-Western au dessin, à la typographie et aux thèmes classiques, laisse un bon goût de BD d'enfance et y ajoute des touches de modernité, notamment par la féminité d'Emily et son combat pour l'égalité de tous les hommes - même les Indiens, ce qui, à l'époque n'est pas courant - et des femmes. Ensuite, elle est sympa cette Emily et l'on sent bien qu'elle a eu une vie difficile qui est en lien avec son désir de vengeance et sa colère actuels. Donc, la suite nous en apprendra j'imagine beaucoup sur cette héroïne qui promet, reine du travestissement, de la gâchette et de la répartie.

Belles couleurs, beaux dessins, scénario finement et habilement alambiqué pour bien nous tenir en haleine, Laurent Astier montre ici toute l'étendue de son talent. De l'excellent travail, comme toujours chez Rue de Sèvres. Si la couverture, que, personnellement, je trouve très réussie, vous plaît, sachez qu'elle est assez représentative de ce que vous trouverez dans le livre.