Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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20 février 2019

"Tyrone Meehan est irlandais et militant de l'IRA. Mais il est aussi un traître à la cause : celui qui n'a d'autre alternative que celle de travailler avec les Anglais, dès les années 1980, avant le processus de paix. Fin 2006, âgé de 81 ans, il revient dans la maison de son enfance, à Killybegs, y attendre la fin. C'est aussi le moment pour lui de se raconter, de dire ce que fut sa vie, de l'enfance battue à la trahison qui l'obsédera jusqu'à la fin."

C'est le résumé que j'écrivis lorsque je chroniquai le roman de Sorj Chalandon sur le blog. Rien de tel que de s'auto-citer. Tout le bien et même l'excellent que je pensais de ce roman, je peux le réécrire dans cet article consacré à la bande dessinée tirée d'icelui. Pierre Alary qui réalise cet album n'en est pas un son coup d'essai puisqu'il avait brillamment adapté "Mon traître" du même romancier. Et d'un coup, c'est l'histoire de l'Irlande du Nord qui s'expose à nos yeux, et celle d'un homme, combattant de la première heure de l'IRA, fils de combattant et père de combattant, une légende irlandaise, qui se retrouve piégé, obligé de trahir son camp pour le protéger. Tout ce qui fait la force du roman se retrouve dans la bande dessinée : l'humanité de Tyrone et de Sheila son épouse, les questionnements sur la lutte violente, sur autrui qui combat dans l'autre camp et qui ne peut pas n'être qu'un simple ennemi, qui est aussi un homme avec une famille, ses peurs, ses doutes, sur ce que l'on laisse à ses descendants, sur les moyens pour arriver à une paix durable... Tout est là, illustré, dessiné, coloré.

Le conflit fut rude, les haines sont encore tenaces envers l'ennemi mais aussi envers les traîtres, Tyrone en fit les frais. Un roman et une BD excellents. Faites votre choix, ou lisez les deux.

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20 février 2019

Publié à l'École des loisirs, il serait maladroit et injuste de réduire ce roman à une lecture jeunesse. D'abord, parce qu'il me semble avoir lu, il y a plusieurs mois, l'auteur dire qu'il n'écrivait pas différemment lorsqu'il était publié par un éditeur qualifié jeunesse et un autre plus adulte – ou si ce n'est lui, c'est un autre. Ensuite, parce que j'ai lu et beaucoup aimé ce livre qui n'a de spécifiquement jeunesse que le fait d'être écrit par les yeux d'un ado. Bien que peu amateur du genre, je me suis vite pris au jeu, et très vite est née l'envie de comprendre où cette histoire nous emmenait. Outre le suspense créé par l'origine géographique du fugitif, la traque dont il est la victime, la crainte des ados quant à avoir affaire à un éventuel criminel ou malade mental, l'échéance du déménagement et de l'implosion de la tour, ce roman aborde des thèmes très actuels. Évidemment, la question des migrants, des réseaux, des passeurs, thème cher à Éric Pessan – dont il a déjà parlé dans "Les étrangers" : "Certaines personnes fuient la guerre, traversent l'océan au péril de leur vie, se cachent sous des camions, franchissent des montagnes à pied et se font menotter par la police à l'arrivée, puis sont renvoyées à l'endroit où elles vont être massacrées. Je l'ai lu dans les journaux." (p.42)

On y parle aussi de la vie dans les quartiers dits difficiles, dans des familles empêchées. Éric Pessan aborde aussi la question de l'éducation, de l'information et de la rencontre avec autrui. Celle qui permet de découvrir l'autre, de découvrir sous un nouvel angle ses proches et parfois même de se découvrir soi-même. Un roman d'initiation par la rencontre d'un étranger, d'une personne totalement opposée avec laquelle même la communication est compliquée.

Tout en finesse, Éric Pessan parle de tout cela dans ce roman qui parlera aux ados mais aussi, comme je l'écrivais plus haut, aux ados avec beaucoup d'années d'expérience que sont leurs parents. Un livre à lire et à faire circuler en famille.

Dynamite

17,90
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20 février 2019

Françoise et Gérard, tout juste cinquantenaires, partent en vacances sur la côte méditerranéenne. Ils rencontrent Fred, une jeune femme qui ne laisse pas Gérard indifférent. Fred leur présente Mathieu son petit ami. À l'issue d'un bain de minuit, le jeune couple se laisse aller à des ébats qui étonnent le couple plus âgé et les émoustillent. Ils se retrouvent pour quelques jours, puis Gérard, de plus en plus attiré par Fred, délaisse Françoise.

Ce qui est bien lorsqu'on écrit un blog de lecteur, c'est qu'on passe de la guerre d'Algérie en BD à une histoire érotique dans le même format. Un grand écart culturel intéressant. Et je ne doute pas que cet article attirera plus de curieux que le précédent, sans doute devrais-je mettre une catégorie érotique ou sexe pour toutes mes recensions, histoire de faire venir des visiteurs, mais je préfère la qualité à la quantité – c'est ce que je me dis pour m'auto-consoler de la (relative) confidentialité de Lyvres. Je dis relative, parce que ça monte un peu en ce moment, rien à voir avec l'éventuelle excitation masculine à la lecture de cet article.

Donc, bande dessinée adulte, les dessins y sont très explicites, il vaudra mieux ne pas la laisser traîner n'importe où dans la maison si celle-ci est peuplée d'êtres étranges et bruyants nommés enfants. Elle traite du thème de l'homme mûr attiré par une jeunette libérée, et, si elle ne le révolutionne pas, elle le met en scène érotiquement et joliment. Évidemment, il y est question de la différence d'âge dans un couple, de la femme aimée pendant vingt-cinq ans et quittée pour une plus jeune, des enfants qui ne comprennent pas et ne pardonnent pas surtout lorsque la nouvelle élue est de leur âge, du désir émoussé, de la routine dans le couple... Le point du vue n'est pas original, mais bien que non spécialiste du genre érotique, il ne me semble pas que ces thèmes réalistes y soient souvent traités. C'est là la grande originalité de cet album.

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20 février 2019

1954/1962, c'est la guerre d'Algérie, ce que la France a longtemps appelé des événements ou une "opération de maintien de l'ordre". Elle est d'abord cantonnée sur le territoire algérien, un peu désordonnée, puis les Algériens créent des mouvements de libération et devant la répression commettent des actes violents et c'est le début d'un engrenage, d'une guerre qui ne dit donc pas son nom, dénoncée un peu partout dans le monde, mais la France ne veut pas renoncer à son empire colonial. Sept années de guerre pour conclure presque 150 ans de colonisation.

Benjamin Stora, né en Algérie, un peu avant le début de la guerre et devenu historien, spécialiste de ce conflit est pédagogue, précis, se met de tous les côtés pour ne rien oublier. Cent quatre-vingt dix pages qui montrent la montée des violences de part et d'autre, l'exportation du conflit en métropole, la lassitude des Français face à une guerre dans laquelle le pays envoie de jeunes appelés du contingent – mon papa y était, tous les jeunes gens nés entre 1932 et le début de la décennie suivante y sont passés, peu en parlent. Elles éclairent également les relations toujours particulières et tendues entre les deux pays.

Bien dessinée, formidablement documentée, cette page de l'histoire de France et de l'Algérie est accessible à un plus large public qu'un essai historique. C'est une des qualités de la bande dessinée en général et d'icelle en particulier. Peut-être pas pour les plus jeunes, mais pas mal d'ados peuvent la consulter pour comprendre dans quelle galère ont été engagés leurs grands-pères et arrière-grands-pères.

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20 février 2019

Chronique pré-adolescente vue à travers les yeux d'un jeune garçon hors la norme qui voudrait que chacun entre dans un moule éducatif et d'apprentissages. Shell est différent : pas intellectuel, ne sachant pas lire, peu doué pour les études, mais assez débrouillard dès lors qu'il s'intéresse. À 12 ans, il subit déjà et depuis longtemps les quolibets, les moqueries et les coups. À l'école, mais aussi à la maison où son père ne manque jamais de le rabaisser. Aussi lorsqu'il quitte la station, on sent bien que tout ne se déroulera pas bien pour lui, et sa rencontre avec Viviane, sa reine, à laquelle, il se dévouera totalement, risque bien de l'emmener loin de sa zone de sécurité.

C'est bien écrit, très agréable à lire, et pourtant je ne suis pas amateur des romans écrits du point de vue des enfants, qui parfois cachent ainsi des faiblesses et des maladresses. Ce n'est pas le cas ici, et Jean-Baptiste Andrea ne s'embourbe pas dans le piège de la facilité. Il fait évoluer son personnage pendant cet été, par ses rencontres, sa solitude, les paysages superbes qui se prêtent à l'introspection, aux questionnements, car même si Shell est l'idiot du village, il se pose pas mal de questions, les mêmes que chacun d'entre nous au même âge, mais sans doute d'une manière différente. Le romancier tire souvent des sourires, par des formules, la candeur de son héros ou des trouvailles : "Parmi les missions qui m'étaient confiées, je devais remettre du papier toilette dans le réduit marqué C – le W était tombé et on ne l'avait jamais remis quand on avait constaté qu'il faisait un excellent dessous-de-plat." (p.17)

Franchement, j'ai hésité avant d'ouvrir ce livre, parce qu'a priori, ce n'est pas trop mon style, mais je ne regrette pas du tout. Une très belle histoire, des beaux personnages et de superbes paysages, que vouloir de plus ? Un peu plus d'infos sur le site de l'éditeur : Folio.