Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Conseillé par
11 novembre 2018

Paris, 1897, Edmond Rostand est un auteur de théâtre qui n'a écrit que des fours, même s'ils sont joués par la grande Sarah Bernhardt. Un jour, elle débarque chez Rostand et lui annonce qu'il doit écrire une pièce pour l'acteur de l'époque Constant Coquelin. Sans la moindre idée en tête, Edmond Rostand qui parvient à peine à nourrir sa femme et ses deux enfants, va voir Coquelin et, en chemin, s'arrête dans un café tenu par Honoré, un homme noir épris de poésie. C'est là, en entendant une tirade d'Honoré, puis en s'inspirant de la vie de Cyrano de Bergerac, qu'il a l'idée de ce qui deviendra le plus grand succès du répertoire français.

J'avais adoré "Edmond" d'Alexis Michalik, et je n'avais pas vraiment d'appréhension à l'ouverture de l'adaptation en bande dessinée. D'abord parce que Léonard Chemineau, je l'ai déjà lu en collaboration avec Matz dans l'excellent "Le travailleur de la nuit" et ensuite, parce que les premières pages tournées, le charme agit et je n'ai pu m'empêcher d'aller au bout rapidement, quitte à relire en prenant plus mon temps pour bien voir les détails.

J'aime beaucoup les dessins et les couleurs qui collent parfaitement à l'époque décrite. Léonard Chemineau joue avec les tailles des cases, parfois classiques, parfois une seule par page avec un encadré à l'intérieur, ou encore, très hautes -pour la scène du balcon et même totalement libres pour la dernière scène de la pièce.

L'histoire est donc celle de la genèse de "Cyrano de Bergerac". Alexis Michalik racontait comment Edmond Rostand s'était inspiré de ce qu'il voyait et entendait autour de lui pour créer ses personnages, son intrigue. La BD rend tout cela merveilleusement bien. Tous les ingrédients sont présents : l'amour, la jalousie, l'action, l'angoisse du créateur, le stress nécessaire pour monter un spectacle en peu de temps, ... C'est virevoltant, enthousiaste, rapide, drôle, frais.

Que demander de plus ? En fait, il ne me reste plus que la pièce à aller voir, tout le reste je l'ai fait et à chaque fois, c'est un coup de coeur.

Valmiki omprakash

Asiathèque

19,50
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11 novembre 2018

Dans les quatorze nouvelles de ce recueil, Omprakash Valmiki met en scène des dalits, que l'on appelait jusqu'ici les intouchables, ces personnes de basse caste, éboueurs, balayeurs, totalement méprisés par les autres castes de la société indienne. Omprakash Valmiki, lui-même dalit, écrit sur la difficulté qui est la leur dès lors qu'ils veulent vivre parmi et comme les autres Indiens, le rejet, la déconsidération, le poids de la tradition voire la tyrannie et l'arbitraire.

Rarement à chute, ces nouvelles tragiques sont des morceaux de vie de personnes dalites. Dans les villes, elles subissent le regard méprisant surtout lorsque leurs interlocuteurs apprennent leur condition par hasard alors qu'avant de la connaître, elles étaient très fréquentables. L'auteur parle également de ceux qui, ayant profité de la politique des quotas, les Scheduled Castes, renient quasiment leur famille et vivent dans la crainte qu'on puisse découvrir leurs origines ; ils perdraient tout, la reconnaissance professionnelle et sociale, leurs fréquentations. Ils préfèrent alors se construire une autre vie. Il y a aussi les dalits des campagnes dans lesquelles la vie est encore plus dure. Exploités, contraints aux tâches les plus basses sans gratification, au contraire, ils sont soumis à une véritable tyrannie de la part des chefs des villages et du reste de la population. Peu de personnes osent s'élever contre cette injustice, et lorsque certaines le font, c'est la communauté entière qui leur fait comprendre qu'elles ne doivent pas insister.

L'Asiathèque publie là un recueil passionnant, fort bien écrit et traduit, qui nous permet de cerner plus étroitement la société indienne. L'auteur va au plus direct, même si parfois, il emprunte les chemins de la description des lieux, des coutumes, des odeurs ; son langage est direct et clair.

Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de la violence dans ce pays, à travers notamment les agressions contre les femmes. Ce recueil ne traite pas directement cet aspect, mais l'on y ressent bien toute la violence des puissants envers les faibles et cette envie de révolte et d'en venir à des actes terribles des opprimés. La hiérarchisation des castes, la pauvreté parfois extrême de certains, tout cela est fort bien décrit. À défaut de prendre un livre d'histoire sur l'Inde, lire Omprakash Valmiki permet de s'en faire une idée, vue du peuple le plus humble. J'aime lorsqu'un livre m'apporte plus que le simple -ce qui peut tout à fait suffire- plaisir de la lecture. Là, j'apprends à travers des histoires, des fictions inspirées parfois de faits réels.

Omprakash Valmiki, né en 1950 dans une famille de balayeurs-éboueurs est décédé en 2013. Outre ce livre, l'Asiathèque publie une autobiographie intitulée Joothan.

Voyage musical en inde

Caza Musique

18,00
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11 novembre 2018

La très belle et instructive collection "Voyage musical" revient cette fois-ci en Inde. Comme d'habitude Zaf Zapha est à la musique, Caroline Chotard aux textes et Charlotte Cottereau est la nouvelle illustratrice.

Comme d'habitude, c'est très bien fait, les chansons traditionnelles du pays alternent avec des créations et des traditionnels de chez nous arrangées avec des instruments du pays, par exemple, Jean petit qui danse -qui doit être peut-être bien de tous les livres cd.

À partir de 5 ans, pour faire découvrir aux enfants les musiques du monde, qu'ils s'ouvrent les oreilles aux sonorités, rythmes - avec l'espoir qu'ils garderont cette ouverture d'esprit pus tard. Très agréable à écouter même pour une adulte et il vaut mieux, car vos bambins risquent de vouloir écouter très souvent (la bonne nouvelle, c'est qu'il y a la possibilité de télécharger une version mp3, pour l'avoir toujours sur soi).

Les illustrations sont superbes, colorées, parfois enfantines lorsqu'elles décrivent des scènes et d'autres très réalistes lorsqu'elles décrivent un objet, une fleur, ...

Les textes, comme d'habitude sont bien faits, ils parlent du pays, de ses habitants, des us et coutumes, ne passe pas sur certaines difficultés, comme le travail des enfants, la pauvreté, le système des castes.

Bref, très bien comme pour les autres titres dont deux sont recensés sur le blog (Amanhã, Kalenda)

Antonin Crenn

Editions Lunatique

8,00
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11 novembre 2018

Martin, lycéen, vit dans une petite ville. Dans cette ville, il y a un square et dans ce square, la statue d'un jeune héros, en bronze, à la fois symbole fort des jeunes morts au combat, mais aussi poids pour ceux qui ne sont pas des héros. Martin se pose beaucoup de questions, se fait ses propres réponses. Peu entouré, il est souvent seul et regrette que Félix ne passe pas plus de temps avec lui.

Résumé court pour ce court roman d'Antonin Crenn, ici déjà recensé pour son "Passerage des décombres" et "Les bandits". Martin semble attiré par Félix qui ne le regarde pas plus qu'un autre. Cela lui suffit pour intérioriser encore plus - si tant est que cela soit possible -, pour se replier sur lui-même. Il est à l'âge pas facile des lycéens qui s'interrogent sur tout - amis confrontés aux ados, bonjour !

Dans un style délicat, fin et sensible, Antonin Crenn raconte les - peu de - faits de Martin et ses nombreuses interrogations, élucubrations, inventions, tentatives de réponses, parfois vraies, parfois totalement personnelles et sans doute loin de la réalité. C'est ce qui arrive lorsqu'on tente seul de trouver des réponses, sans se confronter à autrui pour les confirmer ou les infirmer. Martin est "quelqu'un de l'intérieur" comme le chantait Francis. Antonin raconte très bien comment une succession de petites choses, de petites frustrations, de désagréments, amène un jeune homme à prendre des décisions pas toujours bien comprises ni vraiment justifiées.

C'est un roman contemplatif qui s'attarde donc dans les pensées de Martin mais aussi dans les descriptions des lieux, de la nature omniprésente, comme si Martin avait ce besoin de se tourner vers elle lorsqu'il se sent seul. Le causse, les châteaux des alentours, la rivière froide qui serpente dans la ville,... tout est prétexte à de belles pages.

Un court roman que l'on déguste lentement, un brin mélancolique. "Un livre simple sur des choses compliquées" (quatrième de couverture), qui débute comme ceci :

"Le garçon crie. Il va mourir dans un instant, il le sait, et c'est pour cette raison qu'il crie. Sa mort est imminente : elle l'est depuis près d'un siècle. Ce garçon, puisqu'il est en bronze, on ne sait pas s'il est brun ou s'il est blond. Ses cheveux sont peut-être d'une couleur changeante, comme ceux de Martin qu'on ne sait jamais comment qualifier, qui tirent vers le roux à la fin de l'été." (p.9)

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11 novembre 2018

Pacifique, 1943, un commando débarque sur une île avec une mission top secret. Bientôt, les hommes de ce commando se font attaquer par divers assaillants. Ce qu'ils vont découvrir sur ce bout de terre dépasse tout ce qu'ils ont déjà pu voir dans leurs pires cauchemars.

Volontairement succinct mon résumé pour ne rien dévoiler de ce suspense terrible, horrible. Âmes sensibles s'abstenir - bon, ça va ce n'est pas non plus totalement gore, la preuve j'ai lu et beaucoup aimé.

Histoire folle dans tous les sens de ce qualificatif, scénario - de Tiburce Oger - solide qui installe une tension qui ne descend jamais.

Dessin - de Mathieu Contis - très réaliste, qui fait souvent dans le monochrome : bleu pour la nuit et vert pour la vie dans l'île de jour, scènes assez violentes, dures et nécessaires au bon déroulement de l'histoire.

Très bonne bande dessinée pour laquelle je ne dirai rien de plus encore une fois, pour laisser le suspense et le plaisir de la découverte. Ne pas la lire serait une erreur.