Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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11 novembre 2018

Dix-neuf nouvelles composent ce recueil publié dans la collection Haute enfance de Gallimard. Dix-neuf nouvelles qui ont en commun l'enfance, soit parce que les narrateurs sont des enfants soit parce que devenus adultes, ils racontent un fait, un événement ou toute une partie de leur passé qui les a bouleversés et a donné à leurs vies des directions inattendues.

Gilles Paris excelle dans les romans qui mettent en scène l'enfance ou l'adolescence (Courgette inévitablement, mais aussi Marnie dans l'excellent "Le vertige des falaises").

À travers l'art de la nouvelle, il montre toute l'étendue de son talent d'écrivain, alternant les récits oniriques voire ésotériques comme la nouvelle intitulée "Vivants et les réalistes", directs, comme l'étonnante "La petite dernière", histoire écrite dans un style rapide aux phrases courtes qui met en scène une petite fille aux réflexions surprenantes, violentes. La jolie "Enfants de cœur" est tout aussi courte, rapide et étonnante.

Je l'ai dit plus haut, le thème principal est l'enfance. L'enfance malheureuse, beaucoup des petits narrateurs sont orphelins d'un parent ou des deux. Il est donc beaucoup question de l'absence, de l'amour parents/enfants, de l'amour entre les parents, des amours adolescentes, du désir, de la solitude, du désamour voire du manque d'amour total. Les jeunes observent beaucoup les plus âgés, tentent de les aider à surmonter le chagrin de la perte de l'être aimé lorsqu'eux-mêmes y sont confrontés. Souvent, dans les histoires de Gilles Paris, ce sont eux les plus forts, les plus lucides.

Les enfants de Gilles Paris se posent beaucoup de questions, ont des rêves trop grands ou des vies trop courtes. Ils vivent un peu partout dans le monde, en Uruguay, à Stromboli, en France, et ils rencontrent des gens qui viennent de partout, un véritable hymne à la tolérance et à la mixité qui profitent à tous. En plus, les paysages sont beaux, on aurait envie de visiter tous les lieux que l'auteur décrit. S'y ajoute parfois, une dose d'hommage aux grands écrivains - peut-être involontaire tant ils ont marqué - comme dans Eytan où je me suis retrouvé plongé dans une description de la bourgeoisie Agatha-Christienne : les paysages, les liens entre les protagonistes,...

Bref, beau recueil, qui peut se lire d'une traite mais qui sera mieux à alterner avec d'autres lectures pour profiter plus longtemps de chaque nouvelle.

Sentences misanthropes, maximes liberta-rationalistes et autres blasphèmes patentés

Libertaire

5,00
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11 novembre 2018

Prière - mot choisi à dessein pour agacer un peu l'auteur - de bien lire le titre, ce ne sont pas de simples anaphorismes, mais bien des anar-phorismes, car Sven Andersen est anar... et belge. J'ai déjà lu et apprécié son Manifeste schizo-réaliste, et je réitère donc avec ce recueil de petits paragraphes bien sentis, d'une mauvaise foi ou plutôt d'un franc parler assumé qui me ravit, d'un athéisme qui me convainc - ce n'est pas dur, convaincu, je l'étais avant -, d'une haine du travail qui me réjouit et d'un doute certain sur l'économie, le capitalisme à outrance qui ne fait qu'enfoncer le clou de mes propres pensées et/ou interrogations.

Hommage revendiqué à Cioran dont une citation est en exergue du livre, ce petit livre risque de rester longtemps proche de mes mains et de mes yeux pour y piocher des phrases ; tiens en voici une qui me correspond au moins à son début : "J'ai été baptisé de force comme beaucoup. L'Église prétend que l'on demeure à jamais baptisé. Quelle horreur ! J'aimerais par conséquent être excommunié, ce qui pour ces sauvages doit être la seule façon de quitter leur secte obscuranto-pédophile. Qui pourra me dire comment procéder ?" (p.47). Pour ma part, je suis un apostat, ravi et fier de l'être, même si pour bien faire, il faudrait que mon nom soit totalement rayé des registres de l'église, mais là, c'est compliqué, peut-être comme Sven Andersen, penser à l'excommunication...

Plein d'autres textes, sur des thèmes différents me plaisent, mais je ne pourrai pas tous les citer :

"Droit à la paresse, voilà une nouvelle matière juridique enthousiasmante qui mériterait une stricte codification." (p.22). (Re)lisez Paul Lafargue !

"Du devoir d'être politiquement infect et non correct." (p.30)

"Il faut bien mourir un jour. Personnellement, je préférerais une nuit." (p.34)

Je disais donc, plein d'anarphorismes à garder en tête, parfois des calembours assumés. C'est drôle, violent, "politiquement infect", fortement décalé,... Bref, tout cela me plaît énormément. Je ne sais pas si je peux me qualifier d'anar, ou alors anar écolo, mais je partage pas mal des idées énoncées par Sven Andersen. De la lecture qui fait du bien, pour pas cher, seulement 5€, à voir sur le site des éditions du monde libertaire.

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11 novembre 2018

Stavros Nikopolidis est commissaire à Athènes, un peu mis sur la touche depuis dix ans, depuis qu'il a perdu sa femme suite à l'une de ses enquêtes finalement non aboutie. Dix ans plus tard donc, Rodolphe, le responsable de son fiasco revient et Stavros reprend du service. Un peu rouillé mais toujours impulsif et solitaire il doit néanmoins travailler avec une équipe. Dora une redoutable flique adepte des combats rapprochés et Eugène ex-hacker seront ses plus proches collaborateurs. Ainsi formée l'équipe part sur les traces de Rodolphe.

Dit comme cela, Stavros pourrait paraître comme un rustre un peu bas de plafond, expéditif et prompt à la vengeance. En fait, il est beaucoup plus subtil que cela et c'est tout le talent de Sophia Mavroudis que de ne pas trop tomber dans les caricatures. Stavros est certes un flic dur, solitaire, aux méthodes personnelles et violentes, mais il est aussi féru de littérature grecque ancienne, connaisseur en art - sa femme était archéologue. En plus, son patron, l'inspecteur Livanos, qui lui a mis pas mal de bâtons dans les roues dix ans auparavant alors frais sorti de l'école, est un fervent lecteur des philosophes grecs anciens qu'il cite abondamment : Platon, Aristote, Thucydide : "Pour Aristote, la corruption est dans la nature des choses, elle fait partie intégrante du processus d'altération naturelle de certains êtres. Platon et Thucydide y ajoutent la notion de pathologie, une tendance de l'être humain à pervertir certains de ses actes dans le but de s'adapter ou de plier la réalité à sa propre volonté." (p.100). Autant dire que le mélange est rare et étonnant, donc forcément, ça me plaît bien.

Ce titre est le premier à mettre en scène Stavros Nikopolidis que j'ai pu trouver déroutant par ses nombreuses bêtises de débutant qui collent mal à son expérience. Je l'ai trouvé parfois un poil pleurnichard et victime plus qu'acteur. Sans être un super héros, il gagnerait à s'endurcir, sans pour autant nier ses fragilités qui le rendent terriblement humain, un peu à la Kurt Wallander, qui reste fragile en même temps qu'il sait se faire violence. Je ne doute pas qu'il saura évoluer, construire un personnage demande du temps et il est rarement "fini" dès le premier tome, et fort heureusement, car l'intérêt d'un flic récurrent c'est aussi de le voir évoluer.

C'est donc dans une ambiance qui oscille entre l'envie de vengeance, la rédemption, l'action pure, la philosophie que se déroule cette intrigue. Le contexte est aussi géopolitique : la Grèce ne va pas bien depuis quelques années et Sophia Mavroudis, franco-grecque montre une autre image que les plages et îles touristiques. Corruption, trafic d’œuvres d'art, drogue, prostitution, montée des extrémismes - malheureusement comme partout en Europe. Tout cela est passionnant et fort bien fait avec pas mal de rebondissements à la fin.

Originalité, naissance d'un héros récurrent, contexte fort, je valide et prends rendez-vous pour la suite.

14,00
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11 novembre 2018

C'est l'histoire d'un café, dans lequel vont et viennent des personnages étonnants. Des hommes et des femmes qui semblent réels, des musiques l'une triste et l'autre joyeuse, personnifiées. Tout paraît possible, entre rêve et réalité.

Je serai bref sur ce livre qui l'est tout autant, non parce que je ne l'aurais point apprécié, mais parce que il est suffisamment original pour que je n'aie aucune envie d'en dévoiler la moindre surprise.

On se balade dans ses pages entre l'imagination et le réel, sans savoir toujours où l'on est. Je me suis perdu, parfois, mais toujours me suis retrouvé une ou deux lignes pus loin. C'est drôlement beau, poétique. Il est question, entre les lignes, de tolérance, de l'acceptation d'autrui dans sa différence. Voilà un court chapitre qui m'a marqué :

"Seul un étranger peut aller trouver un autre étranger. Dans cette situation, les deux étrangers ne risqueront rien à se serrer la main, ou ils n'éprouveront pas de timidité. Ils se serrent la main, se sourient, se questionnent.

C'était exactement l'état d'esprit de Monsieur Violet parce qu'il était étranger. La femme aussi était étrangère. Deux étrangers peuvent se rapprocher, ils peuvent même s'interroger.

Morâd ne le pouvait pas parce qu'il s'imaginait que la femme était sortie de son rêve à lui.

Ayâz ne le pouvait pas parce qu'il s'imaginait que dans ce rêve, le rêve dans lequel il voyait la femme endormie, lui-même faisait partie de l'aventure.

Alef ne le pouvait pas parce qu'il ne le voulait pas et que la seule personne qui n'était pas étrangère ne le voulait pas." (p.75)

Cet extrait résume assez bien le livre (mais ça reste un avis personnel, un ressenti), tant dans le fond dont je vous ai déjà parlé que dans la forme : une écriture qui joue avec les répétitions, qui use d'un vocabulaire simple, des codes du roman et de la poésie en prose, qui passe du rêve à la réalité, sans prévenir, au détour d'une phrase.

Khosraw Mani est afghan, il écrit en dari, nationalité et langue peu connues en France, dans la littérature. Très belle découverte que je conseille fortement aux lecteurs qui ont envie de sortir des sentiers battus.

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10 octobre 2018

Grangognant-au-Mont-d'Or, près de Lyon, deux enfants ont mystérieusement disparu. Puis leur instituteur à son tour. Lui est retrouvé, contrairement aux deux enfants, mais décédé la gorge tranchée.

C'est le duo mythique San-Antonio et Bérurier qui est dépêché dans cette charmante bourgade pour tenter, d'une part de retrouver les deux garçons et d'autre part, de faire la lumière sur cette drôle d'affaire. Lyon et Bérurier obligent, le beaujolais coulera à flots, et la bonne nourriture roborative sera de toutes les pages.

Comment résister aux deux premières pages - que je ne peux malheureusement pas citer entièrement -, mais disons que le portrait de l'élève suivant donne le ton : "Cugnazet avait dix-sept ans, en paraissait trente et continuait depuis dix ans d'étudier la table de multiplication. Il avait passé cinq ans sur les multiples de 1 et, depuis cinq autres années, essayait d'apprendre les multiples de 2. Il savait presque par cœur combien faisaient 2 fois 1, mais à 2 fois 2 le brouillard commençait." (p.10) ?

La suite est tout aussi savoureuse : Béru est bourré du début à la fin - il ne faut pas l'emmener à Lyon. Quant au commissaire, il batifole évidemment, mais cherche aussi à connaître le fin mot de cette histoire rocambolesque. Drôle, très drôle, ça part dans tous les sens, si bien qu'on ne sait plus vraiment qui sont les méchants et pourquoi ils le sont, mais heureusement, San-Antonio veille et saura lui, démêler le vrai du faux, isoler les méchants des gentils et nous épiloguer cette histoire magistralement.

Ah, qu'est-ce-que c'est bon un San-Antonio de temps en temps (ça tombe bien, j'en ai deux autres qui m'attendent). Bonne idée qu'a eue Pocket de les rééditer.