Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Hugo Roman

19,95
Conseillé par
23 avril 2019

Deuxième tome de la trilogie de Roy Barverman après le très bon "Hunter". Cette fois-ci, ce sont les paysages de l'Alaska, la faune et la flore, qui sont le contexte géographique mais aussi tout l'environnement de cette traque. Nature omniprésente, la neige, les forêts, les ours, les loups. Roy Braverman parle de l'Amérique profonde, des campagnes et des petites villes, celle avec des shérifs élus pas toujours respectueux des lois ou qui s'arrangent avec elles, celle des chasseurs-viandards qui rêvent de faire des cartons sur les animaux ci-dessus nommés, celles des homophobes, racistes, sexistes, machistes... On est loin du rêve américain.
Il aborde aussi la question de la justice, de la loi du talion :
"Tu vois que ta seule idée de la justice, c'est la vengeance. La mort pour la mort. Une vie pour une vie. Si c'est ça ta justice, alors va jusqu'au bout de ton raisonnement : coupe la main au voleur, coupe la jambe au fuyard, le sexe au violeur, la langue au diffamateur, crève les yeux au voyeur..."
"Ils le méritent", persiste Delesteros.
"Peut-être, mais ça reste de la vengeance, pas de la justice. La justice, c'est de préserver la société de la menace. Pas besoin pour ça d'en éliminer la cause. Il suffit de la maintenir à l'écart." (p.269)

Un extrait d'un long dialogue dans lequel, comme dans le roman précédent, l'auteur s'exprime sur la justice, la prison et leurs dysfonctionnements, entre Hunter l'innocent accusé à tort et Delesteros, l'agente du FBI. Parce que évidemment, ils se croiseront, comme tous les personnages principaux. L'histoire est noire, très noire et le bandeau de couverture assez explicite. Ici, on ne fait ni dans le détail ni dans la romance sucrée. Si vous n'aimez que les genres précédents, fuyez. Mais si vous aimez le très noir, les histoires avec des personnages pas si méchants ou si gentils qu'ils paraissent, loin des stéréotypes, des situations inédites et tout peut arriver, le pire comme le moins pire - je n'irai pas jusqu'à dire le meilleur -, l'originalité d'un romancier qui mêle tout cela avec un bon dosage et beaucoup de savoir-faire, eh bien plongez dans "Crow" (qui peut se lire indépendamment de "Hunter", mais lire les deux, c'est mieux.

Anne-Marie Métailié

18,00
Conseillé par
23 avril 2019

J'ai lu la première fois Selva Almada dans son récit sur les féminicides argentins : Les jeunes mortes. Un livre glaçant. Elle revient au roman avec "Sous la grande roue". Un roman dur et âpre. La construction déroute un peu au départ, puis dès que le pli est pris et qu'on se repère bien dans les familles, impossible d'en sortir. Sur fond de misère, de galère dans les campagnes argentines, elle bâtit une tragédie dans laquelle les hommes sont comme prédestinés à payer et reproduire les actes de leurs pères. Car ce sont bien les hommes qui apportent et transmettent la violence et la haine, les femmes doivent se contenter d'élever les enfants, de faire tourner la maison lorsqu'elles ne sont pas obligées de travailler pour que leurs maris puissent sortir et aller boire avec leurs copains. Elles sont effacées et subissent le poids des traditions machistes et leurs enfants en pâtissent autant qu'elles, même si les garçons auront la chance (?) de vivre comme leurs pères.

L'ambiance est brûlante, le soleil tape fort, attise les passions. L'environnement est pauvre, la région aride. Tout cela mène doucement mais sûrement vers la tragédie, les esprits sont chauffés à blanc. Selva Almada décrit cela admirablement, on visualise très bien les scènes, le décor, même les silhouettes et attitudes de ses personnages. Une écriture simple et directe qui ne s'embarrasse pas d'effets, qui va cœur des hommes et des femmes de son histoire. On pourrait y voir un scénario de cinéma tant les images sont nombreuses, un film noir, tragique avec des gueules, des acteurs burinés, des actrices qui rêvent d'une belle vie avant de se confronter à la dure réalité. Du cinéma réaliste.

Conseillé par
23 avril 2019

L'Ursari, c'est le montreur d'ours. Ciprian est le fils de l'ursari. Nomades, lui et sa famille sont mal vus des habitants de leur pays et vivent avec très peu de moyens, pas mal de débrouille. Chassés, ils se voient proposer une vie meilleure à Paris où l'argent coule à flots. Lorsqu'ils y arrivent, la vie n'est pas celle que les passeurs leur avaient fait croire. Et comme ils doivent rembourser une somme considérable qui augmente de mois en mois, les solutions trouvées pour trouver des euros ne sont pas nombreuses. Dans sa tournée de pickpocket, Ciprian débarque un jour au jardin de Luxembourg et découvre fasciné deux personnes qui jouent aux échecs.

Album adapté du roman du même titre de Xavier-Laurent Petit paru à L'école des Loisirs, scénarisé et dessiné par Cyrille Pomès et mis en couleurs par Isabelle Merlet. Ce qui m'y a d'abord surpris c'est le trait des dessins qui n'est pas celui que je préfère. Et puis, très vite je n'y ai plus pensé, totalement embarqué dans cette histoire avec la famille de Ciprian. Les conditions de vie des Roms dans leurs pays et celles, une fois qu'ils sont arrivés dans un autre pays dans lequel ils espèrent vivre mieux, sont décrites simplement et clairement : les destructions des camps, les relogements, les expulsions, les abris de fortune, les enfants non scolarisés qui traînent dans les rues à la recherche d'argent, les femmes qui mendient, la violence et la haine auxquelles ils doivent faire face quotidiennement, et malgré tout cela une lueur d'espoir en la personne de Ciprian. C'est grâce à ce petit garçon déluré et intelligent que l'histoire ne sombre pas dans le noir total, ainsi, elle est accessible à tous et permet à chacun de comprendre les conditions de vie de ceux dont on longe les campements lorsqu'on prend les autoroutes urbaines.

Belle adaptation à mettre entre toutes les mains, pas les tout petits, mais celles des jeunes adolescents et des plus grands.

Conseillé par
23 avril 2019

Roméo et Juliette en Champagne aidés par Audrey qui va tenter de faire la lumière sur cette affaire. Bon, je ne cache pas que j'ai eu du mal à croire à cette histoire et à l'enquêtrice qui se démène pourtant pour faire sortir la vérité face à des taiseux et des renfrognés. Le roman est un peu long et bavard et pas vraiment crédible. Néanmoins, je dois dire qu'il se lit sans déplaisir et d'aucuns y trouveront même de très bons moments de lecture et de détente.

Peut-être est-ce mon chauvinisme qui me fait dire tout cela car Palémon, pour moi, est plutôt cidre que champagne ? Ou plutôt, est-ce qu'on ne peut pas plaire à tout le monde et que si Audrey ne m'a pas convaincu, elle parviendra sans peine à convaincre d'autres lecteurs, car l'enquête est bien menée, classique, doublée de la vie de l'héroïne qui prend un tour singulier avec l'envoi de son mari en Afghanistan. Valérie Valeix fait la part belle à ses personnages, des gens simples qui tentent de se débattre dans des situations pas aisées, rendues encore plus compliquées par les histoires de familles. En cela son roman est très humain, point de grosse artillerie : ADN, écoutes téléphoniques et autres technologies modernes, non Audrey, comme elle n'est pas enquêtrice officielle travaille à l'ancienne, sur les témoignages et questions-réponses qu'elle confronte, et ça fait du bien, ça repose. En outre, le contexte est bien choisi, original, une enquêtrice apicultrice, ce n'est pas banal. Ça fait quand même pas mal de bons points pour m'auto-contrer.

18,00
Conseillé par
23 avril 2019

"Je m'habille comme un plouc. C'est mon style, oo plutôt mon absence de style, mais il faut tout de même que je me méfie de ne pas trop me laisser aller. [...] À l'occasion, installé à la terrasse de mon PMU, pas rasé depuis trois jours et avec un T-shirt fripé sur le dos, je me dis que je m'intègre un poil trop bien au paysage et qu'il faudrait que je fasse un effort si je ne veux pas finir en bas de jogging Adidas et en claquettes de piscine Sergio Tacchini, avec cette petite sacoche en bandoulière pour le téléphone portable, les clés de la voiture et le portefeuille que les Marseillais affectionnent." (p.47)

Comme cet extrait le laisse penser, ce roman est plutôt léger et drôle. Hugues Serraf fait preuve de pas mal d'ironie, se moque gentiment de son double littéraire qui lui-même fait preuve d'auto-dérision. Évidemment, s'il n'y avait que cela, ce serait un peu facile et vain. C'est pourquoi ces pages humoristiques parlent aussi de la seconde moitié de la vie d'un homme, de l'accès à ses envies et désirs les plus forts : vivre de ses livres, la liberté que procure une vie d'écrivain et une vie de célibataire mais aussi les contraintes et la solitude. Les compromis à faire comme écrire un polar à la fin ouverte pour se ménager une rémunération s'il se vend bien avec une série, alors que l'écrivain écrit plus aisément "une histoire d'amour de quinqua chauve qui tourne mal, ce qui est tout de même plus original." (p.112), mais qui se vend moins.

Pas d'apitoiement ni d'auto-flagellation, le tout est, comme je l'écrivais plus haut, léger et enlevé. Un roman très agréable, dans la veine du précédent de Hugues Serraf : Comment j'ai perdu ma femme à cause du Tai Chi, mais encore mieux, plus maîtrisé. Et puis, malgré le titre, "Deuxième mi-temps [...] ne parle surtout pas de foot." (4ème de couverture), ce qui, à Marseille est presque un exploit, et à mes yeux une qualité indéniable.