Utopies dans la réalité

Quand Strindberg affirmait que la Nouvelle Société serait basée sur l'égoïsme.

Ce recueil, publié en 1885 et comprenant quatre nouvelles, prolonge la réflexion sur les problèmes de la société amorcée dans Mariés (Actes Sud, 1986, pour l'édition française) — socialisme, développement des sociétés industrielles, contradictions entre la ville et la campagne, rapports conjugaux, émancipation de la femme, pacifisme, nihilisme etc... — et annonce un changement de cap. A cette époque, Strindberg vit hors de Suède, et son expérience européenne se reflète dans les nouvelles dont l'action se déroule essentiellement en Suisse et en France.

Nouvelle construction trace l'itinéraire d'une jeune fille émancipée qui tente en vain de s'intégrer à la société traditionnelle avant de trouver sa place dans le familistère de Godin. Rechute décrit les tourments d'un anarchiste russe, réfugié en Suisse, qui voit revenir des fantômes de l'idéologie radicale. Au-dessus des nuages pose la question du rôle de l'art et de la fonction sociale de l'artiste dans nos sociétés. Enfin, Remords raconte l'histoire d'un officier prussien pris en tenaille entre la discipline militaire et les exigences de la morale humaniste.

Tous ces thèmes sont caractéristiques du Strindberg du début des années 1880, époque de la prédominance de la problématique sociale au cours de laquelle il se dit tour à tour rousseauiste, socialiste, anarchiste, mais la façon de les aborder, la finesse de l'analyse psychologique, l'intérêt pour les méandres de l'âme humaine préfigurent déjà le Strindberg futur, celui, entre autres, des pièces naturalistes de la fin de la décennie.