Les Demeurées

Jeanne Benameur

Gallimard

  • Conseillé par
    18 août 2022

    Très court texte de Jeanne Benameur empreint d'une poésie, d'une grande pudeur et qui va au plus profond des personnages sans en rajouter dans le pathos, le mélo.

    Elle est très belle cette histoire de femmes, de l'amour inconditionnel et réciproque mère-fille, de la volonté de Solange d'instruire tous les enfants, même les moins favorisés. Elle est belle parce que même sans dévoiler, même si le pari de Solange n'est pas gagné et se heurte à de fortes réticences, la graine semée est là, bien enfouie. Pour travailler avec des enfants au parcours difficile, je suis persuadé de cela, qu'un éducateur, un instituteur, un assistant familial qui y croit, apporte un petit quelque chose qui servira à l'enfant plus tard.

    "Des mots charriés dans les veines. Les sons se hissent, trébuchent, tombent derrière la lèvre.

    Abrutie.

    Les eaux usées glissent du seau, éclaboussent. La conscience est pauvre.

    La main s'essuie au tablier de toile grossière.

    Abrutie.

    Les mots n'ont pas lieu d'être. Ils sont" (p.11)

    C'est le début du texte, qui continue comme cela jusqu'au bout, sec, poétique, dur. J'aime beaucoup, il est concis, dense.

    Merci à Anne -qui se reconnaîtra- pour le prêt.


  • Conseillé par
    25 juin 2015

    amour, famille

    Quel lien que celui de cette mère avec sa fille ! Sans parole, juste des regards et quelques gestes.

    Heureusement, l’école laïque et républicaine est là pour aider Luce à sortir de sa condition. Un peu cliché, non ? Et pourtant, en phrases ciselées, Jeanne Benameur rend cette histoire plausible et belle.

    L’image que je retiendrai :

    Celle de la déclinaison du verbe demeurer.

    https://alexmotamots.wordpress.com/2015/06/22/les-demeurees-jeanne-benameur


  • Conseillé par
    14 octobre 2010

    La mère, c’est La Varienne, c'est l'idiote du village, la demeurée. Il y a sa fille Luce et le lien qui les unit est fort, de cet amour que rien ne peut détruire.

    Mais leur monde où les mots n’ont pas leur place est menacé quand Luce doit aller à l’école. L'institutrice, Mademoiselle Solange, veut faire son devoir et inculquer à la petite la connaissance.
    Ce livre est une grande claque ! Je l’ai lu en apnée, je l’ai refermé abasourdie…. On parle souvent de la puissance des mots mais ici la relation fusionnelle entre La Varienne et Luce se passe de mots. Elles se comprennent, s’aiment à travers les gestes, les comportements, les regards et les silences : « les mots n’ont pas lieu d’être. Ils sont ». Elles vivent de ce bonheur silencieux d’être toutes les deux. Quand Luce va aller pour la première fois à l’école, sa mère sera déstabilisée de cette coupure de quelques heures. Luce va entrer en résistance contre les mots, les fuir, les oublier. Elle est Luce et non pas Luce M. comme l’a écrit Mademoiselle Solange au tableau. Combat de l’instruction et celui d’un bonheur à préserver à tout prix. Est-ce que Luce accèdera aux mots et si oui à quel prix ?

    Je n’en dirai pas plus sur cette histoire très belle sauf qu’elle fait partie de ces textes dont la force est dans l’écriture. Des phrases très courtes, une écriture épurée où les mots sonnent par leur justesse et se font précieux.

    Tout simplement magnifique…