La grande bleue

Nathalie Démoulin

Le Rouergue

  • Conseillé par
    20 novembre 2012

    En 1967, Franche-Comté, Marie abandonne le lycée pour se marier. Elle habite chez les parents de son mari. Quelques mois plus tard, elle accouche d’une fille puis très vite d’un garçon. Son mari travaille à l’usine chez Peugeot, Marie l’y rejoindra.

    Dès la naissance de son premier enfant en 1968, le désenchantement est rapide. Mari est cadenassée dans son existence. Son parcours jusqu’à 1978 retrace les illusions de cette jeune femme en proie à des rêves de liberté mariée trop vite jusqu’à son divorce.

    Avec le travail à l'usine, son quotidien est calqué au rythme des cadences toujours plus rapides à respecter, des grèves qui agitent les usines, de la fatigue et de la peur de perdre son emploi. Sa vie est liée aux mouvements sociaux, aux évènements de cette décennie. Des lendemains de la guerre d’Algérie aux mariages mixtes, des grèves aux licenciements chez Peugeot à la fermeture de Lip , du bonheur d’avoir son appartements dans une barre HLM aux premières vacances à la mer, des luttes de la classe ouvrière à son propre combat pour mener sa vie de femme et gagner enfin son indépendance. Si la réalité lui a ôté ses utopies de jeunesse, Marie a mené son propre combat, incessant et journalier. En équilibre sur le fil de sa vie, avec sa folie douce, sans rêve de strass mais de liberté, elle représente des milliers de femmes. C’était hier, c’était il y a quarante ans.

    Forcément, on pense à Annie Ernaux et a son livre Les années , à Ouvrière de Franck Magloire car l'auteure nous restitue un pan de notre mémoire collective.
    L'écriture a un goût d'inédit (et c'est rare). Sublime, maîtrisée et poétique. Avec des phrases courtes, Nathalie Démoulin passe du "elle" au "on" pour allier la vie de Marie à celle de toute une classe. Roman social, intime avec des personnages vrais et touchants qui nous habitent longtemps. Impressionnant.


  • Conseillé par
    15 septembre 2012

    Un très beau roman !

    Dans ce roman de la rentrée, la décennie 1968-1978 est vue du côté de la Franche-Comté, par une toute jeune fille. De ses dix-huit ans où elle laisse tomber ses études, pour se marier, enceinte d'un garçon rencontré lors d'une sortie du samedi soir à vingt-huit ans... Le mariage, l'installation dans la maison des beaux-parents, les bébés dont il faut s'occuper, et puis l'usine, le HLM à Vesoul, l'envie de passer des vacances à la mer, de voir enfin la grande bleue...


    C'est surtout de la condition féminine qu'il s'agit, de la "libération" de la femme du côté de la campagne française. Au-delà d'une fresque frappante des années 70, on entre de plein pied dans le monde ouvrier de cette décennie : Peugeot, Lip, Myrys, comme autant de balises dans un récit très poétique. « Marie voudrait tout avaler. Les biscuits trempés de café. Le petit garçon qui pleure dans son berceau. Les doigts de sa fille couverts de purée. Le robinet qui fuit dans son dos. Tout avaler et grosse de tout s'assoupir, sans prendre même le temps d'aller jusqu'au lit, s'endormir d'une masse, les bras croisés sur la table. »
    C'est le coup de maître de Nathalie Démoulin, d'avoir trouvé une manière aussi poétique de rendre compte d'un destin somme toute morne et balisé d'avance, d'avoir su toucher la lectrice que je suis, avec une histoire de gens simples dont les rêves, les aspirations et les chagrins ne sont pas moins grands que ceux de leur chefs ou de leurs patrons. J'ai été un peu déroutée au début par la forme, avant d'être complètement emportée. Des phrases courtes, très sensuelles, alternant le « elle » avec un « on » plus générique, dessinent Marie, sa famille, ses amis et collègues, avec une netteté extraordinaire. J'espère, que dis-je, je suis sûre que ce texte ne passera pas inaperçu parmi les nouveautés si nombreuses, car il mérite un très bel accueil !