Leiloona B.

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26 septembre 2014

Sublime !

Milan Kundera prédisait, il y a quelques années déjà, le déclin du roman, de plus en plus appauvri du fait d’une imagination réduite à une peau de chagrin … Il n’en est rien chez Kaoutar Harchi.

Une intrigue forte et terrifiante comme une tragédie grecque, un ressort bandé à l’extrême dans cette maison de femmes, une jeune fille digne des plus grandes figures de l’Antiquité, plusieurs voix de femmes aussi, toutes aussi puissantes que la première. Une quête identitaire de cette jeune fille, à la recherche de ce père qu’elle n’a jamais connu, de sa famille aussi.

Dire que j’ai été portée par ce roman serait encore en deçà de ce que j’ai pu ressentir. La claque de la rentrée littéraire, la puissance chorale, la force des mots, une syntaxe qui allie perfection poétique à une syncope maîtrisée, la beauté sombre de l’intrigue aussi.


Le texte pose la problématique de la place de la femme, et de son corps surtout, au sein d’une société soumise à des lois archaïques. L’irrespect au centre de tout, la négation aussi de la mère, son abandon même, puis l’envol d’une personne, d’une individualité. On touche au beau. Au sublime même.

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1 septembre 2013

Une camomille ?

Le temps coule doucement dans "Arden" et possède un certain charme désuet. Dire qu’"Arde"n sent la naphtaline serait sans doute péjoratif, mais c’est le cas.
Alors que les romans contemporains peinent à prendre leur temps, courent après une histoire à peine esquissée, le premier roman de Frédéric Verger explore les moindres recoins de cette forêt et de l’hôtel, se paie le luxe de mêler le registre comique dans les situations les plus tragiques et entraîne son lecteur dans une histoire qui restera malgré l’Histoire dans une certaine légèreté. Un premier roman étonnant, en décalage total avec ces productions contemporaines creuses et remplies de dialogues.

Ici, le texte fait bloc : aucun chapitre, des dialogues concis et de longues descriptions. La langue est déliée, belle, lyrique ; et les personnages ne manquent pas de piquant.
Pourtant, malgré toutes ces qualités, l’accroche fut difficile.

Éditions de L'Olivier

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31 août 2013

La délicatesse d'un roman japonais ...

Narration ponctuée de nombreux retours en arrière, La Cravate possède cette grâce qu’on trouve souvent chez les auteurs japonais (l’auteur a une mère japonaise, un père autrichien et vit à Vienne).
Un peu à la manière du haïku, l’intrigue faite de peu d’éléments se déploie et étonne son lecteur. Une certaine délicatesse s’échappe alors de la plume de Milena Michiko Flasar et permet d’aborder des thèmes lourds de conséquence pour la vie d’un homme. Le suicide, la perte du travail, le dénigrement d’autrui ponctueront ce récit sans l’alourdir : ces thèmes peindront surtout la société actuelle sans entrer dans une quelconque polémique ou recherche d’engagement social.

"La Cravate" est davantage un roman tourné vers l’individu, ses aspirations, ses envies, ses désespoirs aussi : il s’agit avant tout d’expliciter comment un jeune homme en est arrivé là, sans le juger, mais aussi et surtout de comprendre qu’il n’existe aucune fatalité en ce bas-monde, puisque seule la mort signe la fin d’un être.

N’aie pas honte d’être un homme doté de sentiment. Quoi que ce soit, ressens-le profondément et avec ferveur. Ressens-le encore avec un peu plus de ferveur, ressens-le encore avec un peu plus de profondeur. Ressens-le pour toi. Ressens-le pour l’autre. Et ensuite, laisse-le aller.

Roman solaire, en somme, malgré les thèmes abordés, le lecteur ne pourra qu’être bercé en outre par des phrases elles aussi lumineuses qui fonctionneront alors comme des mantras, le libérant même d’un certain poids. Une belle leçon d’optimisme malgré tout.

20,00
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27 août 2013

Délicieusement glaçant.

Dès les premières pages de ce roman, le lecteur est transporté dans une réalité parallèle où les objets auraient un certain pouvoir sur les hommes, comme si ces choses étaient animées par une force surnaturelle. Comme Laura, le lecteur regarde alors les différentes péripéties à travers le prisme du fantastique. Le personnage est-il atteint d’un mal étrange ou bien les appartements ont-ils réellement une vie à part entière, un caractère aussi ?
Au fil du roman, le rêve prend donc une place prépondérante, il sort de son carcan et se glisse dans la réalité : le personnage, hanté par ce rêve, arrivera-t-il à ne pas sombrer dans la folie ?

Encerclée par le poids d’un père devenu fou, Laura ne semble pas pouvoir s’échapper. Pourra-t-elle rester elle-même ou deviendra-t-elle elle aussi un double d’elle-même ? A moins que ce ne soit sa soeur, son quasi double, qui héritera de ce lourd fardeau paternel ?

Laura tente par tous les moyens de se raccrocher à la réalité, à ce poids des mots du poète Alfred Tennysson qu’elle susurre comme un mantra, à ses souvenirs venus tout droit de l’enfance et qui l’aide à ne pas perdre pied.
La lande galloise, des ruines, de la brume, une maison hantée, un suicide, la folie, la femme persécutée : les caractéristiques du roman gothique sont bel et bien là. Il ferre son lecteur dès les premières pages, entièrement captivé par cette femme qui tente de reprendre son souffle face à sa terrible destinée. Le lecteur en ressort alors complètement lessivé, happé par un style solide : quelle sera la fin de Laura Kern ? Sera-t-elle Lady Hunt ou une certaine non moins fameuse Lady of Shalott, contrainte de regarder la réalité à travers un miroir ?
Délicieusement glaçant.

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6 février 2013

Bluffant et déroutant.

Dans une langue soignée, étirée presque avec de nombreuses accumulations et gradations, Programme sensible est une peinture incarnée de notre quotidien. Se crée et se forme sous nos yeux de lecteur une mythologie du monde moderne, avec ce dieu tout puissant qui ne cesse d’écraser l’homme. L’ordinateur devine alors son utilisateur, tel un dieu omniscient. Il l’observe aussi. Big Brother est de retour.

Le décalage entre le thème très prosaïque et la musique des phrases permet de donner de l’épaisseur, une certaine force à une histoire qui aurait pu n’être qu’un tableau de la société moderne. Mais l’histoire s’élève, elle prend presque une dimension mythique avec ce google earth que le lecteur ne pourra plus voir du même oeil.

Les histoires s’imbriquent, se mélangent, semblent danser sur la musique des mots que l’auteur a choisis de façon précise et élégante. Puisant alors ses sources dans les contes comme dans le cinéma, Programme sensible réinvente notre réalité.

Un roman qui marquera la rentrée littéraire de janvier.