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10 avril 2013

L'amour sous tension

Un titre emblématique, emprunté à Serge Gainsbourg, dans lequel toute l’intrigue est révélée. « Souviens-toi de m’oublier », de Régis Descott, est l’histoire d’un amour sous tension. Haute-tension. Un amour dense, intense, fusionnel, passionnel. La belle et séductrice Iris, journaliste à succès, vit avec Antoine, brillant avocat à l’ambition démesurée. Il se lance en politique et gravit rapidement les échelons du pouvoir. Lors d’un vernissage, Iris tombe sur son ancien amour, le peintre Max, avec qui elle vécut quatre ans de passion. Son monde, alors, s’effrite petit à petit. Le bonheur auquel elle croyait prétendre était factice. Elle cherche à revoir Max. Emue, troublée, pleine d’espérance, elle retourne à son atelier. Ses attentes seront déçues. Elle est devenue une inconnue à ses yeux. Il ne la reconnaît plus. Il semble amnésique. Perte de mémoire ? Simulation ? Manipulation ? Perversion ?

Ce roman bien ficelé, à l’écriture ciselée et fluide, nous fait naviguer en eaux troubles. Les personnages auraient pu avoir encore plus d’épaisseur malgré un récit trépidant qui nous le fait lire d’un trait, un seul.

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18,00
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10 avril 2013

Splendeurs et misères dans l'immobilier

Il a été le roi du pétrole, mais tout à une fin. Aujourd’hui, accroché à sa copine trop bcbg qui va forcément le plaquer, il regarde l’étendue du désastre. Celui de notre époque, depuis les bulles –financière, immobilière, etc…- jusqu’à la crise. Le premier roman de Claire Gallen décortique implacablement nos aveuglements de libéraux en herbe.

Jeune loup plein d’ambition, Gaëtan s’était mis à gagner plein d’argent. Et il y a cru. Issu d’un milieu modeste, brillant étudiant au parcours sans faute, il a vraiment cru que ce siècle tout nouveau était fait pour des gens comme lui. Avec euphorie, il s’est mis à accumuler les signes extérieurs de richesse : la voiture, l’appartement rue Villebois-Mareuil dans le XVIIème arrondissement de Paris, et la jolie Anna, une vraie gosse de riche.

Son secret : le travail acharné bien sûr, mais surtout Christophe, son mentor. Christophe était un fils de famille qui venait d’hériter d’une société de gestion en patrimoine. _« L’heure était aux cadeaux fiscaux mal calibrés, à la pierre reine, et toute une génération sentant approcher l’heure de la retraite se mettait aux calculs de rentier avec l’enthousiasme des convertis. Ils voulaient s’en mettre plein les poches ? On leur en fourrerait jusqu’à la gueule »._ Christophe et Gaëtan deviennent des pros de la défiscalisation, et les clients, de plus en plus nombreux, leur font une confiance aveugle. Oui mais.

_« Cet été-là nous n’avions plus du tout d’argent »_. Anna et Gaëtan sont sur la Côte d’Azur, au Lavandou, dans un appartement minable, parce qu’Anna a voulu à tout prix partir en vacances, rassemblant leurs dernières économies comme on se suicide. Elle va à la plage, veut rencontrer des gens, oublier que ni elle ni Gaëtan n’ont plus de travail, et que Christophe est poursuivi par la justice. Gaëtan passe toutes ses journées au lit. Il réfléchit, fait défiler le film des dernières années pour tenter de comprendre comment les événements se sont enchaînés.

Dans la vraie vie, Claire Gallen est journaliste, et son roman peut être lu comme un excellent documentaire sur les dérives du libéralisme et les mécanismes tordus de la défiscalisation, un mot qui a fait rêver jusque dans la petite bourgeoisie. Mais n’est pas initié qui veut et dans ce roman on voit les moins informés se lancer dans des placements qui ne sont juteux qu’en apparence. Christophe et Gaëtan les y poussaient complaisamment. Jusqu’à ce que l’arnaque éclate au grand jour.

Cela dit, _Les riches heures_ est avant tout un roman, excellent, car Claire Gallen sait créer des personnages auxquels on croit, et construit des scènes où le moindre détail est chargé de sens. Ainsi le repas où se rencontrent les parents d’Anna, les très chics et cools Luc et Sonia, parfaitement à l’aise dans leur arrogance de classe, et les parents de Gaëtan, les timides André et Catherine, engoncés dans leurs habits du dimanche. Une scène d’anthologie, si subtile qu’on peut la lire deux fois de suite, mais oui, juste pour le plaisir !

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17,00
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8 avril 2013

Tel grand-père, tel petit-fils

Attention premier roman jubilatoire ! A travers les portraits croisés d’un grand-père collabo pendant le deuxième Guerre mondiale et de son petit-fils, homosexuel en quête d’un destin au début des années 80, Côme Martin-Karl ausculte la médiocrité et l’atavisme chez de petits êtres rêvant de devenir grands. Marcel Miquelon est un fonctionnaire français employé par le Reich pour supprimer tout débordement idéologique de la prose littéraire de ses concitoyens. Grisé par son pouvoir et les sollicitations mondaines qui l’accompagnent, il pense œuvrer pour la littérature et suggère même d’interdire le manuscrit des " Mouches " de Jean-Paul Sartre jusqu’à ce que l’Histoire le rattrape sans même qu’il ne le réalise… En parallèle, son petit- fils, Pierre, est un jeune homme à la vie toute étriquée, y compris dans son couple avec l’atypique Thierry. Lorsque ce dernier, vaincu par l’ennui, s’enfuit, Pierre tente de se construire un destin en s’appuyant sur de vieux documents de son grand-père retrouvés au fond d’une malle… mais là aussi la vie, et surtout l’administration, se chargeront de lui donner une belle leçon. Côme Martin-Karl réussit d’emblée son entrée en littérature avec cette subtile et grinçante peinture parallèle de destinées familiales médiocres. D’une construction habile, son roman fait mouche à chaque phrase. Amateurs de second degré, précipitez-vous...

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21,00
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7 avril 2013

Ces sourds que l'on ne voit pas

Imaginez : un jour vous vous rendez compte que votre adorable petite fille de neuf mois n’entend pas, n’a jamais rien entendu et n’entendra jamais rien : elle est sourde.** **Ce cataclysme privé, le romancier Bertrand Leclair l’a vécu. Après des années de gestation, il témoigne aujourd’hui de son expérience de père. Mais il n’écrit pas un livre autocentré et larmoyant. Son texte est plein d’un amour inconditionnel pour sa fille, et d’une reconnaissance sincère pour tout ce qu’elle lui a apporté. Car elle lui a ouvert les yeux sur une réalité qu’il ignorait, celle de la surdité. Surtout, il signe un réquisitoire implacable qui montre comment la France traite ceux qui ont le tort d’être différents.

Disons-le d’emblée : ce livre est passionnant. C’est une quête, une recherche, qui de rebondissement et rebondissement vous mène au cœur d’un monde inconnu s’il ne touche pas votre propre famille : celui des sourds, qui permet à l'écrivain d’analyser notre société depuis un point de vue inhabituel. Bertrand Leclair qui ne renonce pas à son costume de romancier au prétexte qu’il nous raconterait sa vie. A sa propre expérience il mêle une fiction, inspirée d’un personnage réel, l’histoire de Julien Laporte, fils d’un notable de province, sourd dans une famille bourgeoise qui refuse son handicap et, pour son bien, le martyrise dans le but de lui apprendre à parler. L’histoire de Julien Laporte décrit les méthodes, les punitions, où les plus sourds de la famille ne sont pas  ceux que l’on croit. Mais l’histoire raconte aussi la lente prise d’autonomie et la libération du jeune Julien. Sur sa vie privée, Bertrand Leclair se montre plein de pudeur, de franchise aussi, faisant part tant de ses découvertes que de ses déconvenues. Ses plus belles pages sont celles où il dit son admiration devant ce qu’est devenue sa fille, adolescente pétillante de vie qui force le respect. Au cœur du texte, le langage, matière rêvée pour un romancier, mais il s’agit ici de la langue des signes, que les sourds au cours du XXème siècle ont eu bien du mal à imposer, dans un pays qui combattait tous les dialectes comme autant de dangers pour l’unité nationale. ****

Belle réussite donc que ce texte qui nous montre l’écrivain en train d’écrire et le père en train de devenir père. Une réussite formelle, car ce texte savant n’est jamais pontifiant mais plein d’empathie. Bertrand Leclair signe un livre salutairement dérangeant aussi, puisqu’il nous conduit à nous interroger sur notre attitude face à la différence, sur notre propre « intelligence du cœur », selon ses termes.

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roman

Le Livre de poche

7,60
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7 avril 2013

un huis clos bouleversant

Inspiré de plusieurs faits divers extraordinaires d'horreur et d'inhumanité , ce roman étonnant aurait pu verser dans le voyeurisme ou le sordide, il n'en est rien. Room comme le titre le laisse préjuger est un huis clos glaçant qui met en scène une jeune mère de vingt-six ans et Jack son jeune fils de cinq ans. Ces deux être retenus en captivité par la seule volonté de Grand Méchant Nick, n'ont aucun contact avec l'extérieur. Jack est né en captivité, il ne sait rien du monde qui s'étend de l'autre côté de la lucarne, sa mère ne lui en a jamais parlé. Pour ce jeune enfant, toutes les images qui s'impriment sur l'écran de télévision sont fictives. Jusqu'au jour où la mère de Jack acculée par les questions de plus en plus précises du jeune enfant prend conscience qu'elle n'est plus en mesure d'entretenir les faux-semblants et qu'elle doit par amour pour son fils, tout mettre en oeuvre pour pouvoir quitter cette " chambre ".

La force de ce roman outre une histoire bien pensée, réside dans l'écriture d'Emma Donoghue. Le parti pris de l'auteur est de raconter le quotidien de ce couple mère-enfant à travers non par le regard de cette jeune mère, séquestrée depuis plus de six ans, mais à travers les yeux de son jeune fils. Cette écriture peut dans un premier temps dérouter, mais pour peu que le lecteur veuille bien s'accrocher lors des toutes premières pages, ce livre recèle de biens des trésors narratifs et littéraires. Emma Donoghue réussit en effet, le tour de force de se glisser dans la peau d'un tout jeune enfant et d'en adopter le code langagier, mais aussi la structure psychologique ainsi que la perception spatiale et temporelle du monde de la chambre que sa mère a créé pour lui , et plus tard également celle du monde réel qu'il va apprendre à découvrir .

Emma Donoghue est véritablement une surdouée des mots, sans décrire une seule scène de violence, elle crée en quelques lignes une ambiance glaciale, un sentiment de malaise qui étreint le lecteur et ne le lâche pas. Comment ne pas se sentir bouleversé lorsque Jack fait état de son quotidien sordide - même s'il ne le ressent pas de cette façon - dans un dialogue à sens unique avec Dora et Babouche, les personnages de dessin animé qu'il voit sur l'écran de télévision, son seul lien avec l'extérieur ? Cette juxtaposition de l'horreur et de l'innocence inhérente à l'enfance est dérangeante, et crée un abîme dans lequel le lecteur ne peut que se noyer. Le cocktail savamment concocter entre l'amour maternel si particulier que cette mère porte à son enfant et la violence de la situation qu'ils subissent font de ce roman est un récit doux- amer de toute beauté.

Les plus pessimistes d'entre nous percevront Room comme un roman sombre, tragique . D'autres y verront au contraire une volonté farouche d'aller de l'avant, une capacité magistrale de deux êtres à inventer leur vie et plus tard à renaître à la vie. Chaque lecteur trouvera dans ce roman, aussi dérangeant que captivant, ce que sa propre histoire lui permet d'appréhender. Room fait partie de ces romans qui vous gifle, vous dérange, vous émeut, vous bouleverse. Un roman inclassable, auquel il serait dommage d'échapper.

Retrouver Meely lit sur [son blog](http://www.meellylit.com/).

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