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23,50
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23 septembre 2013

Noir, c'est noir

Que de noirceur dans le nouveau roman de Victor del Arbol. Comme son précédent ouvrage, le très remarqué mais terrible « Tristesse du Samouraï », ce ne sont qu’êtres cabossés, murés dans leur tragédie personnelle.

La célèbre violoniste, Gloria A. Tagger, prend contact avec Eduardo Quitana, peintre à la dérive depuis que sa femme et sa fille ont été tuées dans un accident de voiture.  Eduardo a purgé quatorze ans de prison pour avoir supprimé l’homme qui lui a ravi sa famille. La musicienne lui fait une demande singulière : réaliser le portrait de l’individu qui, 4 ans plus tôt, a écrasé son fils, Ian, un adolescent dans la fleur de l’âge. Mais ce que ne mesurent ni Gloria ni Eduardo c’est que cette commande va rallumer des drames éteints et les mener aux portes de l’enfer.

Vont se croiser dans une toile implacablement tissée : un requin de la finance, un androgyne qui se prostitue, un tortionnaire chilien reconverti en détective privé, un ancien combattant du FLN, un adolescent dépravé, un antiquaire pédophile, une jeune fille abusée, des femmes violées… Aucun d’eux n’échappera à son sort car comme le déclare un des protagonistes : « Personne ne s’affranchit des actes commis. »

L’intrigue est menée de main de maître, les indices sont distillés au compte- gouttes et tel un puzzle, la trame prend sens. C’est intelligent, parfaitement réussi mais que de perversion dans ces 416 pages. On viole, on torture, on mutile, on dégrade, on assassine à tours de bras.  Complaisance de l’auteur ou conséquence de ses années passées au sein des services de police de Catalogne ? Quoiqu’il en soit, on n’a qu’une envie en refermant « La maison des tristesses », se laver de toute cette fange.

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19 septembre 2013

Quand Balzac rencontre Salinger (rien que ça !)

Il est des auteurs qui donnent l’impression d’avoir écrit un roman entier au coin d’une table, après le café, les manches remontées au dessus des coudes, une cigarette se consumant paresseusement dans le cendrier. Il est très probable que chaque mot leur ait été arraché dans la douleur, et pourtant la fluidité qui se dégage de leurs pages, l’évidence de leur expression, la limpidité inspirée de leurs formules effacent de leur écriture toute idée de travail. Philip Roth est de ceux-là. Raymond Carver aussi. Et Paolo Cognetti, dont les premiers recueils de nouvelles ont souvent été placés dans la filiation de ce dernier, résolument. Quand on sait que cet Italien né en 1978 vit à cheval entre Milan et New York, on comprend mieux pourquoi son magnifique « Sofia s’habille toujours en noir » semble béni des dieux. Les dieux du roman à l’américaine.

En dix chapitres, dix textes à la technique narrative propre qui peuvent se lire comme autant de nouvelles indépendantes les unes des autres, Cognetti dresse, dans le désordre, le portrait de Sofia, même âge, même origine, son alter ego féminin, sa femme idéale, son amour de plume. Sofia est la fille unique d’un ingénieur très ingénieur et d’une mère très maniaco-dépressive. Le couple a essayé d’échapper au divorce en s’échappant de Milan et la petite Sofia grandit dans une de ces banlieues aseptisées qui fleurissent autour des grandes villes – plus américaines qu’italiennes, d’ailleurs. Mais le pot-aux- roses ne tient pas longtemps : bien vite, Sofia fait les frais du psychodrame qui se joue chaque soir chez elle. De séjour à l’H.P en groupe de théâtre alternatif et très à gauche, Sofia pousse et se fraie une route. On ne saura pas si son visage est beau, on saura qu’elle ne se maquille pas, qu’elle mange rarement, qu’elle magnétise les gens et que ses deux profils sont différents. Et, bien sûr, qu’elle s’habille toujours en noir. Plus tard, Sofia s’inscrit dans une école de cinéma à Rome, vit en colocation avec deux autres apprenties actrices et goûte, tardivement, au bonheur de l’amitié féminine. Entre-temps, une cellule cancéreuse a germé dans l’estomac de son père et une tante ex- membre des Brigades rouges a décidé de prendre sous son aile cette nièce sauvage. Puis Sofia débarque à New York et Pietro, aspirant écrivain échoué à Brooklyn, nous raconte leur rencontre à la première personne.

Pourquoi la critique italienne a-t-elle été aussi extatique à la parution de « Sofia » ? Parce que Paolo Cognetti, l’air de rien, les mains dans la glaise, redonne tout son souffle à l’art romanesque. Dans ce premier roman, il fait naître et mourir des personnages, des physionomies, des goûts, des névroses et des personnalités, mais il le fait avec une nonchalance adolescente, un peu comme si Balzac avait rencontré Salinger. À la lecture de ce joyau brut, on est souvent tenté de refermer le livre un instant pour reprendre le contrôle de son corps. Debout dans un métro compact, on doit retenir ses larmes ou son sourire béat. Si on était Sofia, on lirait un passage à toute la rame, mais on n’est pas Sofia, alors on se contente de vous le conseiller ardemment.

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19 septembre 2013

Voyage au bout de l'enfance

Alors qu'elle " monte " à Paris, pour suivre des études d'archéologie, Hélène a la chance d'avoir un logement tout trouvé: la chambre de bonne que son oncle, Daniel Ascher, lui prête en plein cœur de Montparnasse. Cet oncle, la jeune fille n'en a jamais été proche. Il l'agacerait même plutôt avec sa gaieté juvénile et factice. Il semble n'avoir jamais quitté l'enfance, puisqu'il écrit des livres pour ados, publiés sous le pseudonyme de H.R. Sanders, qui l'ont rendu riche et célèbre. Pour les écrire et décrire les aventures rocambolesques de son héros, il a sillonné la planète, s'est rendu dans les endroits les plus improbables, disparaissant pendant des mois, se signalant par des cartes postales laconiques ou de drôles d'objets qu'il rapportait dans ses valises... Mais derrière cette façade se cachent un secret, une enfance meurtrie par la guerre, le drame de sa famille arrêtée rue d'Odessa et dont il reste le seul survivant. Ses parents, sa sœur ont été déportés et lui n'a été sauvé que de justesse. Ce récit prend alors un tout autre ton, un tout autre tour. Plus grave. A travers les livres de cet oncle qu'elle avait jusqu'alors toujours dédaignés, grâce aux indices qu'il y sème, elle commence à entrevoir une autre vérité, une existence parallèle. Fiction et réalité se confondent peu à peu, et Deborah Levy-Bertherat fait son entrée dans le domaine romanesque (dans son autre vie, elle enseigne la littérature comparée à l'Ecole normale supérieure) par une histoire envoûtante, pleine de charme, qui nous balade entre Odessa et Montparnasse, avec un petit crochet par New York.

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19 septembre 2013

Vivre libre

Chahdortt Djavann sait de quoi elle parle. Cette Iranienne exilée en France garde en elle une rage, une révolte contre son pays qu’elle ne peut, pourtant, s’empêcher d’aimer.

Son héroïne, Donya, fuit l’Iran du début des années 90, après un viol collectif et un pseudo mariage. Partir, oui, n’importe où, loin de cette mère glaciale, de ce père presque fou, de ce pays où les femmes n’ont que le droit de se taire. Révoltée, elle l’est depuis l’enfance, petite fille différente qui sait depuis toujours qu’elle n’a pas été désirée.

Donya réussit à s’envoler pour Istanbul, une ville rêvée, orientale, tolérante où elle ne connaît personne. Mais la vie est ainsi faite qu’elle y trouve un appartement de rêve chez une logeuse généreuse, un job qu’elle aime, des amis. Donya est une force de la nature, capable de travailler jour et nuit pour son seul et unique but : émigrer ailleurs. Mais tous les trois mois, son visa expire. Elle doit alors passer la frontière, aller en Bulgarie où elle voyage dans des conditions pénibles et croit même mourir de froid. Jusqu’à ce qu’un jeune homme lui propose de le rejoindre en France.

Parallèlement, Donya raconte ses visites chez son psychanalyste, des années plus tard, à Paris. Un psy qui paraît souvent plus préoccupé par ses propres problèmes que par les dires de cette belle Iranienne, quelquefois hystérique, souvent ironique. Une femme qui pense trop à la mort même si elle lutte contre ses pensées morbides. Qui ne veut plus entendre un mot sur l’Iran et sur ses parents, même si elle ne parle que d’eux.

De ces pages nerveuses et passionnantes, le lecteur découvre plus que l’histoire d’un pays. C’est le récit d’un destin — tragique — de femme brisée mais déterminée, qui se battra jusqu’au bout pour vivre libre.

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Le Cherche Midi

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15 septembre 2013

l'équation était mortelle

Alors qu’il s’apprêtait à faire une conférence au sommet de l’OMC à Amsterdam, un scientifique réputé, titulaire de chaire à Harvard est supprimé. Sa chambre a été littéralement pulvérisée par un explosif dérivé d’un carburant spatial, le perchlorate d’ammonium.  Mais qui en voulait à ce point au jeune James Fenster? Ses travaux étaient-ils visés, sa personne ?

Henri Poincaré, inspecteur à Interpol, arrière petit-fils du génial mathématicien, physicien et philosophe, réputé pour ces travaux sur l’optique et la théorie du chaos, est chargé de retrouver le ou les poseurs de bombes. L’enquête s’avère délicate car une corrélation existerait peut-être entre ce meurtre et  des attentats-suicides perpétrés un peu partout dans le monde par une secte  fondamentaliste chrétienne « Les soldats de l’enlèvement », décidés à semer la terreur partout pour accélérer le retour du Christ.

Il y a aussi Stipo Banovic, le boucher des Balkans, traduit devant la Cour Internationale de Justice de La Haye pour crimes contre l’humanité qui a juré de détruire Poincaré, responsable de son arrestation, en s’attaquant à sa famille. Au travers d’un dédale de pistes et d’impasses,  l’inspecteur d’Interpol cherche à percer le mystère de l’assassinat de Fenster mais aussi de l’incroyable combinaison à laquelle le mathématicien serait parvenu : la modélisation de l’univers par les  mathématiques car pour lui « tout participerait à un seul et même système ».

Avec ce premier roman, Léonard Rosen signe une intrigue aussi séduisante que brillante. Fausses pistes, personnages plus vrais que nature, rebondissements à répétition, l’auteur use de tous les ressorts pour ferrer son lecteur dès les premières pages.  Et il parvient sans mal. Autre bonne surprise, la majeure partie de l’action se déroule en France et le héros est français et là aussi aucune fausse note à croire que l’auteur, américain, a passé une grande partie de son temps dans l’hexagone dont il connaît les us et coutumes sur le bout des doigts. Mais « La Théorie du Chaos » est bien plus qu’un thriller captivant, en bon pédagogue – Léonard Rosen est professeur à Harvard et à Bentley – l’auteur nous initie à l’harmonie des sciences, à la beauté des fractales. Pour un peu, on se prendrait  pour un spécialiste de la physique et des mathématiques.

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