Comme elle vient

Raphaëlle Riol

Le Rouergue

  • Conseillé par
    26 septembre 2012

    Enlevé, souvent drôle (et drôlement bien vu), « Comme elle vient » est un chouette (premier) roman bourré de petites perles d’écriture. On embarque avec plaisir dans le quotidien et les réflexions de Desdémona, pardon, Mona, jeune fille de dix-huit ans au sens de l’observation fort aiguisé. Rien (ou presque… lorsqu’il s’agit d’elle-même, elle est un peu moins perspicace) ne lui échappe, elle croque tout ce qui l’entoure en émaillant ses pages de remarques bien senties, en particulier lorsqu’il s’agit de son cher papa, dont elle dresse un portrait à la fois ironique et tendre.
    Revigorant, sur fond de musique rock, le roman s’amuse à flirter avec l’absurde (un éléphant dans un salon), mais pour mieux se coltiner avec la réalité. Les angoisses et les rêves d’un enfant y croisent ceux d’un adulte-père, sous les yeux d’une jeune fille à qui on ne la fait pas, chroniqueuse hors pair de ces longs mois d’attente où le visage de la mère fugueuse semble s’estomper dans des paysages lointains.


  • Conseillé par
    19 mars 2011

    Un journal, face à l'absente , mêlant humour et philosophie .

    Ce livre , dont la couverture a été modifiée (depuis celle présentée ici par Dialogues) avec talent, a comme colonne vertébrale le journal d'une adolescente qui doit grandir bien vite face au départ fortuit de sa mère, mais c'est justement à cette mère qu'elle adresse ses écrits journaliers.
    « T'es partie, un matin , sans prévenir; tu nous as dit au revoir rapidement en prétextant une envie subite- ou un besoin, une nécessité peut-être , je ne me souviens plus très bien- de voyager. »
    On entre dans le quotidien de cette jeune femme de 18 ans à peine , qui en a été bouleversée et on plonge dans une folie douce qui s'inscrit dans les journées de cette famille . La place de chacun dans cette famille a complétement été modifiée , une famille qui semble voler en éclats ou plutôt où les rôles semblent s'inverser : « Alors qu'avant , quand tu étais là, tout le monde revendiquait son espace personnel, la vie est aujourd'hui devenue nettement plus communautaire » . Ils passent d'une famille ordinaire à une autre forme de vie en commun, particulière où les rapports familiaux changent, où Antoine le Père fait un retour furtif dans cette adolescence , qu'elle est entrain de quitter.

    On peut suivre pas à pas les réflexions de Mona, une philosophie de la vie toute personnelle mais souvent pertinente et qui permet de s'en amuser ou de vouloir en savoir plus. Grâce notamment aux chapitres qui se succèdent énergiquement et qui ont pour noms des titres de chansons bien connues et surtout extraits du répertoire de groupes mythiques tels que The Doors, les Beatles, ou les Kinks par exemple ce que j'ai trouvé original et en adéquation complète avec le personnage principal.

    On est séduit aussi par une belle galerie de personnages malgré le nombre de pages limité du livre (seulement 171 pages), une belle mosaïque de caractères tous différents et qui chacun donne une leçon de vie , nous offre un bon divertissement ou sont une véritable pièce du puzzle .
    Par exemple le personnage de Perceval est intéressant et j'ai beaucoup aimé les traits de son caractère . « Parce que depuis toujours il se méfie des ballons gonflés à la hâte et destinés à amadouer les enfants trop agités ou pire à acheter leur tranquillité d'esprit. » « Hausser les épaules quand un professeur le flatte pour son travail est une hygiène de vie . Car la vraie saveur des choses n'est pas dans leur fabrication orchestrée . »
    Les femmes en prennent aussi pour leur grade dans ce journal doux , amer à travers notamment le personnage de la mère de Marine : « Sa mère animait son atelier « tartes et gâteaux d'antan » à domicile. Je suis donc tombée en pleine réunion de jeunes femmes déjà vieilles, gonflées à bloc d'une volonté très coriace pour ressembler à leurs grand mères en actes et en manières. Leurs recettes sont toujours affublées du qualificatif grotesque « d'autrefois » qui valide incontestablement et à l'avance la qualité du gâteau . Telles les précieuses ridicules de Molière, on aurait dit cet après midi qu'elles se pâmaient rien qu'à prononcer le nom. » .
    Il y a vraiment des moments amusants et les réflexions de cette grande adolescente sont souvent rempli de lucidité sur le monde qui l'entoure et cernent bien les habitudes et les sentiments des adolescents : « Ca t'a toujours paru étrange, mais j'ai l'impression que les meilleures moments que je passe avec mes amis sont ceux où l'on en fait strictement rien .(...)nous devions ressembler à ces manchots sur la banquise qui ses serrent les uns contre les autres pour lutter contre le froid et qui limitent leurs mouvements au minimum vital (…) . »
    « Je crois surtout que l'air frais nous régénère après ces interminables journées passées à étouffer dans les salles de classe. (…) C'est un théorème bien connu des salles de cours : il y a toujours une fille pour hurler au scandale dès lors qu'on ouvre une fenêtre pendant la période de novembre à février. Il doit y avoir une trêve hivernale admise durant laquelle personne n'est autorisé à ouvrir une fenêtre pour respire autre chose que la vapeur d'eau des autres.(...) »

    En conclusion , un livre que je conseille vivement . J'ai vraiment apprécié de suivre les réflexions de Mona et la folie douce qui s'empare de son entourage . Un livre que je conseille à tous âges mais en particulier aux adolescentes qui devraient tout à fait s'y retrouver tout comme j'ai beaucoup aimé retrouver une part de mon adolescence dans les propos de Mona .